Ce 11
décembre, André Bertouille, ancien Ministre de l’Education nationale, se verra
octroyer par le Parlement wallon le titre de Passeur de Mémoire.
Depuis le mois de mai 2012, le Parlement wallon a en effet
rejoint le réseau « Territoire de Mémoire. Les missions du Comité Mémoire et
Démocratie, créé au sein du Parlement wallon, étant d’encourager, par tous les
moyens qu’il juge utile, la
sensibilisation et la promotion de la démocratie ainsi que l’éducation à la
mémoire. Dans le cadre de sa mission d’éducation, le Comité entend développer
des outils permettant de sensibiliser les citoyens wallons aux enjeux et
héritages des première et deuxième guerres mondiales. Il est d’ailleurs à souligner
que la Député Chantal Bertouille figure parmi les membres fondateurs de ce
Comité Mémoire et Démocratie et qu’elle en assura, à ce titre, le premier
mandat de Présidente.
Dans le prolongement de cette convention, le Parlement a
décidé d’octroyer le titre « Passeur de Mémoire » à trois personnes (physiques
ou morales) ayant joué un rôle prépondérant dans la transmission de certains
événements politiques et sociaux tragiques de notre Histoire, principalement
auprès des jeunes générations, dans une optique de promotion des valeurs
démocratiques et de résistance aux idées liberticides.
Près d’une quinzaine de candidatures furent ainsi
introduites. Et, après un examen rigoureux du comité d’experts indépendants de
l’ASBL Territoire de la Mémoire, trois
lauréats ont été retenus au rang desquels figure André Bertouille.
Le Comité de sélection a tenu à mettre en avant le rôle
toujours très actif que joue encore André Bertouille dans le cadre du Devoir de
Mémoire, marqué personnellement par les atrocités de la guerre 1940-1945.
Celui-ci a été à l’initiative de très nombreux projets en faveur du travail de
Mémoire, tous se rappellent que sur le plan parlementaire, il fut l’un des plus
farouches opposant aux tentatives visant à une amnistie généralisé de ceux qui
ont collaboré au régime de la terreur mené durant la seconde guerre. Enfin,
l’un des éléments qui a particulièrement séduit le jury est le caractère
totalement désintéressé et gratuit de ce combat mené par André Bertouille
« Bon exemple d’engagement désintéressé en politique en faveur du travail
de Mémoire ».
Qui est André Bertouille, Passeur de Mémoire ?
Si tout le monde connaît André Bertouille, ancien Ministre de
l’Education nationale, peu de gens connaissent réellement son engagement pour
le Devoir de Mémoire. Cette discrétion est sans doute à rechercher dans la
personnalité même de cet Homme, qui, très jeune, dut faire face de manière
brutale aux extrémismes.
Né 29 janvier 1932, il grandit à Ellezelles dans un contexte
politique d’après-crise économique. On assiste partout dans le monde à la
montée du racisme, du nazisme et de la violence, et à un recul des libertés
fondamentales.
Agé d’à peine 12 ans, André Bertouille sera personnellement
touché par les atrocités de la guerre en avril 1944. Dans la nuit du jeudi 27
avril au vendredi 28 avril 1944, vers minuit, les deux policiers communaux
d’Ellezelles sont réquisitionnés par le bourgmestre installé par l’occupant
nazi, et sont sommés de conduire les membres de la Gestapo aux adresses
mentionnées sur une mystérieuse liste dont on ne semble pas connaître les
tenants. Une trentaine de civils ellezellois seront arrêtés illégalement et
arbitrairement. Sans aucuns moyens de se défendre, 24 de ces prisonniers
meurent en captivité dont son papa, Paul BERTOUILLE, qui meurt à Hartzungen-Nordhausen
le 3 février 1945.
André BERTOUILLE est alors profondément sensibilisé et guidé
par la défense à tout prix de ces libertés et droits fondamentaux bafoués, si péniblement
acquis durant le conflit. Il est marqué dans sa chaire par la disparition de
son père et en connaît la réelle signification.
Son engagement en politique sera toujours sous-tendu par
cette volonté d’éduquer les plus jeunes générations et de leur apprendre cette
obligation qui est de défendre leurs libertés si durement acquises. Défense qui
passe immanquablement par l’Education….Ainsi, alors qu’il était Ministre de
l’Education, André Bertouille renforça les principes de gratuité de
l’enseignement, tout en rendant celui-ci obligatoire jusqu’à 18 ans.
Mais, André Bertouille mènera des combats bien plus visibles
en faveur du Devoir de Mémoire. On peut ainsi citer ses nombreuses propositions
et interpellations en faveur des droits des
victimes, invalides, veuves ou orphelins de guerre. De même, à l’époque,
il fut l’un des plus farouches opposants aux tentatives de certains députés et
sénateurs qui voulaient « blanchir » les auteurs des atrocités des
deux guerres en déposant une loi générale sur l’amnistie.
Même, pensionné, sin combat ne s’est jamais arrêté. André
Bertouille apporta son soutien indéfectible au fameux Train de la Liberté qui,
du 10 au 14 avril 2008, achemina plus de 400 jeunes belges accompagnés de
prisonniers politiques vers les camps de Buchenwald et de Dora en Allemagne. Et
en 2011, il contribua à la rédaction, en collaboration avec le Centre Jean Gol,
à un ouvrage consacré à Antoine Depage, Sénateur Libéral et Chirurgien de
guerre.
Pour terminer, comment ne pas oublier la mise en place en
1984, par celui qui était encore Ministre de l'Education nationale d’un dossier
pédagogique dont il ordonna la diffusion dans toutes les écoles secondaires du
Royaume : « le Prix de la Liberté » et qu’il présenta de la
sorte :
« Pour beaucoup, la Seconde
Guerre mondiale fait définitivement partie du passé. La paix est revenue chez
nous depuis 40 ans et la page est tournée. La liberté est la toile de fond de
notre vie quotidienne. Parce que rien ne semble la menacer, elle paraît aller
de soi, comme un dû sur lequel on ne s'interroge plus.
On sait pourtant que, dans
l'histoire des peuples, la démocratie est une forme de gouvernement peu
répandue, et, dans la forme que nous lui connaissons, récente. On sait aussi
que beaucoup de dangers, intérieurs et extérieurs, la rendent vulnérable.
L'accoutumance n'est pas le moindre de ces dangers.
L'histoire montre que les peuples
tirent peu de leçons du passé. Leur mouvement naturel les porte à se tourner
vers l'avenir qui, espèrent-ils, sera toujours meilleur. Mais c'est aussi
l'histoire qui montre la fragilité de la paix et du bonheur, et les combats
incessants qu'il fallut mener pour les préserver ou les rétablir.
Certains de ces combats ont été
dramatiques. La Seconde Guerre mondiale est un de ceux-là ».
C’est donc pour ne pas oublier le
combat qui a marqué la vie d’André Bertouille en faveur du Devoir de Mémoire
que celui-ci vient de se voir attribué le titre de Passeur de Mémoire par le
Parlement wallon.