lundi, novembre 07, 2011

Présentation de l'ouvrage sur Antoine Depage

Antoine Depage fait sans doute partie de ces grands personnages qui mériterait d’être mis en avant, mais dont, hélas, la plupart d’entre nous n’a jamais entendu parler.

Antoine Depage est né à la fin du 19ème siècle. Fils de fermier et guère enthousiaste aux études, son père le destinait à la reprise des activités familiales. Par défi, et ayant côtoyé la famille Solvay, Antoine Depage s’inscrivit pourtant à l’Université où, par défaut, il choisit les études de médecine car il y avait moins d’inscrits qu’en droit. Brillant élève, il est formé par le Docteur Paul Héger dont il épousera la nièce Marie.

Devenu chirurgien renommé, il est appelé à soigner le Roi Léopold II qui peu avant de mourir lui demandera de se préparer à la médecine de guerre. Respectant la demande du Roi, Antoine Depage et son épouse font partie des médecins belges qui soigneront les blessés lors des sanglants combats de la première guerre balkanique (qui entraînera quelques années plus tard toute l’Europe dans la Grande Guerre). Précurseurs des médecins sans frontière, ils tireront de ce conflit une très riche expérience qu’ils mettront à profit sur le terrain. A l’époque, beaucoup de chirurgiens de guerre s’imaginaient encore que grâce aux armes à feu et à la célérité des projectiles, les plaies seront immédiatement cautérisées et que la prise en charge des blessés ne posera aucun problème….la guerre des tranchées leur prouvera qu’ils se trompaient lourdement.

Engagé dans la vie civile, Antoine Depage mènera un important combat comme conseiller communal à Bruxelles. N’hésitant jamais à secouer ses colistiers libéraux, les traitant d’ailleurs de fous lors d’un Conseil communal car ils refusaient de se rallier à sa conception des hôpitaux publics. Cet homme, aux convictions humanistes, lutta également pour que les infirmières belges soient correctement formées. C’est à sa demande qu’Edith Cavell prendra en charge la mise en place d’une école laïque d’infirmières. Cet épisode provoqua l’ire des milieux ecclésiastiques…. Cette fonction revenant traditionnellement aux nonnes qui selon Depage se contentaient un peu trop de soigner le spirituel au détriment du reste.

Sénateur au lendemain de la guerre, Antoine Depage participa activement à la réforme des services de bienfaisance, à la réforme des hospices civils et à la mise en place de services d’assistance publique efficace et accessible à tous.

Lorsque la guerre éclata, Antoine Depage refusa toujours de se soumettre à l’autorité militaire. Il était chirurgien de guerre, mais pas chirurgien de l’armée. Grâce au soutien indéfectible de la Reine Elisabeth, Antoine Depage mettra en pratique ses acquis de la guerre balkanique avec succès. Ce n’était ainsi pas les blessés qui devaient venir à l’hôpital, mais l’hôpital qui devait aller à la rencontre des blessés. On assista ainsi à la mise en place de services de chirurgie de pointe  au plus près des combats. Mais, sa plus grande réussite fut sans doute la création des hôpitaux de guerre Océan 1 et Océan 2 à La Panne. Organisés à la perfection par Antoine Depage, ces deux hôpitaux n’eurent aucun mal à absorber le flot continu de blessés lors des nombreuses offensives et contre-offensives qui se déroulèrent à proximité de la Panne lors de la Bataille de l’Yser. On estime que ce sont près de 56.000 victimes qui furent  soignées par Antoine Depage et ses équipes entre 1914 et 1918. La réputation de Depage était telle, que bientôt ce furent toutes les armées alliées qui envoyèrent leurs chirurgiens à La Panne pour se former auprès de ce chirurgien belge au fichu caractère mais qui faisait des miracles sur la table d’opération.

Les Anges Blancs de Depage

Bourru, irascible, fichu caractère…homme des bois, Antoine Depage mis toute sa confiance dans les femmes qui l’entouraient.

En 1907, Antoine Depage décide de fonder une école d’infirmières laïque. Il en confie la responsabilité à Edith Cavell, nurse anglaise. Selon lui, c’est le seul moyen pour les médecins d’avoir des assistantes réellement formées. Il est en outre choqué par la formation très légère donnée à l’époque dans les écoles catholiques. Espionne anglaise, Edith Cavell participe activement à la mise en place d’un vaste réseau permettant aux soldats alliés de s’enfuir des territoires occupés pour regagner le Nord de la France et les Pays-Bas (pays neutre à l’époque). Démasquée, Edith Cavell est arrêtée le 5 août 1915.  Condamnée à mort  le 11 Octobre, elle est fusillée le 12 octobre au matin. C’est hélas le même sort qui sera réservé à Gabrielle Petit, cette infirmière de 23 ans qui sera passée par les armes le 1er avril 1916

Ce drame marquera profondément Antoine Depage qui avait subi peu de temps avant la disparition tragique de son épouse Marie Picard. Fidèle assistante de son époux, Marie Picard partit vers les USA en vue de récolter des fonds en faveur de la petite Belgique qui résistait vaillamment aux assauts du géant allemand. Touchante dans ses meetings, Marie Depage permit la récolte de sommes d’argent importantes qui autorisèrent Depage à mettre sur pied les hôpitaux Océan 1 et 2.  A son retour des USA, le bateau emprunté par Marie Depage fut torpillé au large de l’Irlande. Il s’agissait du Lusitania qui causa la mort d’environ 1200 personnes. Identifiée par son époux, la dépouille mortelle de Marie Depage sera inhumée dans les dunes à proximité de l’hôpital  en présence du Roi Albert et de la Reine Elisabeth.

La disparition de ses deux anges blancs endurcira encore un peu plus le caractère d’Antoine Depage. Heureusement, il pourra compter sur l’amitié et le soutien de la Reine Elisabeth, la Reine Infirmière. Celle-ci assistera régulièrement Depage dans ses opérations… Depage n’accordera d’ailleurs aucun régime de faveur à la Reine lors des opérations, lui faisant parfois des remarques sur un ton sec et sévère lorsque les évènements ne se déroulaient pas comme il le désirait dans le bloc opératoire.